Corons et cités minières

Sur fond d'images de corons et de cités pavillonnaires, le journaliste et l'interviewée, Mademoiselle Langlot-Lemaître, discutent de la perception des cités minières et des visions contrastées de l'habitat minier.

Les premières images sont celles de la Cité Pinchonvalles de la Compagnie de Liévin à Avion, sur fond de chevalements et du terril de la fosse n°7 dont elles dépendaient. Il s'agit ici de corons construits en 1924 et typiques de la Compagnie de Liévin, alternant briques roses et rouges et munis de lucarnes ; ils sont entourés de traditionnels jardins marqués par les non moins inévitables appendices, ici des garages de tôles assez récents. La cité est incluse dans le périmètre inscrit au patrimoine mondial par l'Unesco.

Les images suivantes présentent des corons aux volets jaunes et verts typiques de la Compagnie de Lens, puis les cités pavillonnaires de la Cité n°33 des Musiciens, attachée aux fosses n°4 et 5 de la Compagnie de Bruay sur les communes de Bruay-en-Artois et de Divion ; elle est également incluse dans le périmètre de l'Unesco. Les maisons comportent deux logements et sont disposées en quinconce, ce qui contribue à en atténuer la monotonie. Les éléments de décor, notamment les briques blanches visibles sur les façades et les pignons, sont typiques de ceux utilisés par la Compagnie de Bruay. Enfin, les dernières cités présentées, bordées d'alignements d'arbres et marquées par la présence de volumes ajoutés, extension de la maison dans laquelle se trouvaient en général les "pièces servantes" (cuisine, puis, plus tard, la salle de bains et les toilettes), sont des cités de la Compagnie de Vicoigne à Nœux-les-Mines.

Jusqu'à la nationalisation de 1946, chaque compagnie avait en effet cherché à affirmer son identité en diversifiant formes urbaines et architecturales, éléments de décors, d'entourage, de façade ou de toiture, aboutissant à la création de plus de 800 types différents de logements. Cela contribue à briser la monotonie apparente des cités minières mais maintient, sur l'ancien territoire même d'une compagnie, une certaine cohérence architecturale puisqu'on y retrouve des éléments communs aux cités de ladite compagnie.

Le discours est particulièrement révélateur de perceptions habituellement négatives de ces cités minières. Elles sont vues comme exiguës, peu confortables et, surtout, monotones car disposés de façon rectiligne. Rectifiant cette perception, Mlle Langlot-Lemaître replace les corons dans leur contexte historique en précisant qu'à leur construction, ils constituaient une nette amélioration des conditions de logement pour la plupart de leurs habitants, souvent issus de familles paysannes locales ou étrangères pour lesquelles les conditions de logement étaient alors nettement moins favorables que les nouveaux logements construits par les compagnies. Elle explique ensuite que les modèles de cités ont évolué vers une moins grande monotonie et un détachement des logements substituant le modèle des cités pavillonnaires à celui des corons. Enfin, elle propose une comparaison des cités minières avec les lotissements pavillonnaires, déjà largement développés dans les années 1970 à la date du reportage et, surtout, avec les grands ensembles des années 1960. Avec une cinquantaine d'années de recul, la comparaison apparaît comme judicieuse et plutôt favorable aux cités minières présentées dans le reportage. Ce dernier marque ainsi une évolution par rapport aux reportages de la décennie précédente condamnant sans appel ce type de logement. Il souligne ainsi la naissance d'une certaine conscience patrimoniale à propos des cités. Néanmoins, les images, tournées par grand beau temps, et la musique (un air d'accordéon) particulièrement gaie, mettent particulièrement en valeur les cités filmées.

Le reportage se termine enfin sur une vision du terril de la fosse n° 23 de Courrières à Noyelles-sous-Lens, marqué par une gravière creusée juste à son pied, sur le territoire de la commune de Harnes. Ce terril est aujourd'hui en exploitation et en grande partie arasé alors que la gravière a été reconvertie en étang d'agrément bordant le canal de Lens.